Face Nord des Miages : Arrête METRIER 3673m

Publié le par Jean-Grégoire

 

miages1Nous sommes au mois de juin 1994 et je me rends dans un des mes endroits préférés du massif du Mont Blanc. Ce coin est resté sauvage, ici, il n'y a pas de remontée mécanique, il faut partir à pied de la vallée, depuis le parking de la Gruvaz aux Contamines Montjoie. ( voir album photos Maiges)

La première étape consiste à rejoindre les chalets de Miages par un large chemin. Point de passage de nombreux randonneurs et site exceptionnellement beau, ce petit hameau offre un panorama magnifique sur la face Nord des Miages. J'avais déjà tenté cette ascension avec mon ami Pierre Courtellemont mais une météo exécrable nous avez contraint à renoncé après avoir bivouaqué au Plan glacier.

Aujourd'hui mon compagnon de cordée s'appel Jérôme Gallée. Jérôme, fin skieur à toujours rêvé de pratiquer l'alpinisme et aujourd'hui il s'apprête à vivre sa première grande ascension mixte. Même si les difficultés ne sont jamais extrême, la face Nord des Miages c'est quand même une paroi de 1000 m. Si j'ai choisit cette course c'est parce qu'elle offre un éventail  très large des difficultés que nous rencontrons le plus souvent en Montagne : marche d'approche, traversée de glacier, ascension rocheuse, couloir glaciaire et traversées d'arrêtes. C'est donc une course idéale pour apprendre, pour découvrir les réalités de l'alpinisme avant de se lancer dans des courses plus engagées, plus techniques.

Nous voici arrivés au Chalet des Miages où nous faisons une halte pour manger et se désaltérer. J'en profite pour expliquer à Jérôme que de là il va nous falloir rejoindre le plan glacier et qu'il s'agit d'une longue montée qui  peut devenir fastidieuse.

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Je lui demande de rester derrière moi de manière à ce que je marque le rythme de la montée. Il ne s'agit pas d'aller trop vite et de laisser trop de forces, ces forces nous en aurons besoin demain pour gravir la face Nord.

Alors que le soleil invite à la sieste sur l'herbe bien grasse de l'alpage, j'invite Jéjé à charger son sac, il nous faut partir, je ne veux pas arriver trop tard au bivouac de manière à avoir suffisamment de temps de repos et bien récupérer avant l'ascension.

Comme prévu, la montée au Plan Glacier est très longue, notamment la partie terminale avec la moraine de l'ours qui commence à éreinté Jéjé.

 

Jéjé sur la Moraine de l'Ours

Moraine de l'ours

 

Un brouillard c'est installé et la température a nettement chutée. Un nuage se déchire et me laisse découvrir une belle surprise :

Moraine de l'Ours

Un refuge! Je ne le connaissais pas, lors de ma dernière venue il n'existait pas c'est la raison pour laquelle je transporte dans mon sac une tente.

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 Quand je me retourne je ne voie plus Jéjé, je me dis qu'il ne doit pas être bien loin, surement quelques part sur la moraine dans les nuages qui envahissent les lieux. Le brouillard s'épaissit et j'entends la voie de Jéjé qui m'appel. Visiblement il a un peu de mal à s'orientée avec la purée ambiante. Je dépose mon sac devant ce magnifique petit refuge  dominé par une barre rocheuse. Je réponds aux appels de Jérôme qui ne tarde pas à me rejoindre, il est livide, fatigué par cette montée, ce qui a le don de faire rire Emilien, le gardien du refuge.

 Le refuge est chaleureux et réconfortant, le temps de nous installer et bientôt une première cordée nous rejoint puis une seconde. Nous mangeons et nous réhydratons convenablement. J'explique à Jérôme comment nous allons procéder demain pour atteindre le sommet puis rejoindre le refuge Durier. Nous partons nous coucher un peu fatigué et heureux de cette première journée.

Le lendemain nous démarrons très top, les crampons chaussés nous abordons la traversée du glacier. Il n'est pas très ouvert et sans grande difficulté, juste quelques crevasses très visibles qu'il nous faut  éviter. Le premier constat c'est que Jéjé à très bien récupéré et que ce matin il présente une forme étincelante accompagné de la bonne humeur et de la joie qui le caractérise. Les conditions sont très bonnes et je suis vraiment très heureux d'attaquer cette ascension.

Attaque de l'Arrête Métrier

 

Nous abordons l'arrête rocheuse par une petite escalade que nous faisons en libre, à l'aise tous les deux dans cette discipline qu'est l'escalade rocheuse nous ne voulons pas perdre de temps en maniement de corde et autres instruments. La partie rocheuse se poursuit sur le fil de l'arrête où il nous faut contourner quelques gendarmes  tantôt par la droite, tantôt par la gauche. A notre rythme l'ascension se fait sans difficulté et nous en finissons sans fatigue avec la partie rocheuse. Une petite halte pour se désaltérer avant d'attaquer le long couloir de glace qui mène au sommet, le Dôme de Miage. La pente n'est pas très forte environ 50° mais elle est  en partie en glace. J'explique à Jeté qu'il ne me paraît pas utile de s'encorder, je vais grimper devant et faire la trace il n'aura qu'à réutiliser celle-ci. C''est ainsi que nous progressons tranquillement jusqu'au moment où, patatras, mon crampon droit saute, au plus fort de la pente. Je demande à Jéjé de sortir à droite de rejoindre le rocher et de me lancer une corde pour me ramener sur l'arrête rocheuse où je pourrais plus tranquillement remettre en place mon crampon. Ainsi fut dit, ainsi fut fait. Le reste de l'ascension du couloire glaciaire se fera tranquillement  à un rythme régulier; Nous sommes déjà bien haut dans le couloir et nous éprouvons un réel plaisir, le panorama et grandiose. Nous sommes dans la partie sommitale, et je m'arrête une dizaine de mètres avant le sommet pour offrir à Jéjé ce bonheur indescriptible, ce moment de plénitude que connait tout alpiniste au moment où il réussit une ascension.

Mais ici, la partie n'est pas encore gagnée.

 

Départ des arrêtes

Du sommet, il nous faut encore parcourir deux kilomètres d'arrêtes  pour rejoindre le refuge Durier! C'est aussi ce qui fait la beauté de cette course, sans être très difficile elle est complète, elle demande endurance et concentration jusqu'au bout. Du Dôme orientale, nous avons une bonne lecture des arrêtes, je fais observer à Jéjé qu'en bien des endroits celle-ci sont fines et en d'autres la présence de nombreuses corniches oblige à la prudence. Finalement c'est Jérôme qui se sera le mieux débrouillé sur cette traversée d'arrêtes, il à systématiquement trouvé les bons passages et nous réalisons les deux kilomètres de traversée entièrement en libre.

 

Nous arrivons au refuge très heureux, mon plus grand plaisir c'est de voir le visage de Jérôme, je sais qu'à ce moment il a réalisé l'un de ces rêves. Pour ma part je me dis avoir trouvé un excellent compagnon de cordée, je lui dis "bravo  jéjé, j'espère qu'il y en aura plein d'autres": il est heureux, très heureux.  Au refuge c'est Gilbert qui nous accueille, pour l'instant nous sommes seuls et cela laisse le temps à Gilbert nous faire partager ses passions pour la photo, pour la recherche de cristaux, personnage extrêmement sympathique, nous partagerons des moments fort quelques années plus tard lors d’une ascension plus difficile. Une des deux cordées présente avec nous au refuge du plan glacier  arrive, partis plus tard ils sont montés par une voie beaucoup plus directe, moins longue mais plus exposée. Le soir au moment du repas, nous partageons ensemble un moment de conviviabilité. Le guide qui accompagne cette cordée, m'explique que le lendemain ils enchainent pour rejoindre le dôme du gouter par l'impressionnante arrête de Bionnassay, surement l'une des plus belles et des plus aériennes du massif. Cette idée de traversée restera quelque part dans ma tête et effectivement je le tenterais quelques années plus tard. Pour Jérôme et moi la suite du programme c'est de redescendre tranquillement dans la vallée. Le lendemain nous empruntons un très long couloir où un mélange de pierre plus ou moins délité et de neige nous reconduit au plan glacier, nous poursuivons notre descente en passant au chalet de Miage où nous prenons le temps de boire une bière bien méritée avant de rejoindre notre véhicule au parking de la Gruvaz, heureux et comblés par ces deux journées.

(voir album photos colonne de gauche face Nord des Miages)

Publié dans Alpinisme

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